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mardi 30 septembre 2008

La réforme de la prescription

La prescription est le moyen par lequel un droit est éteint lorsqu’il n’a pas été réclamé pendant un certain laps de temps.

Les conséquences pratiques d'une modification des règles de prescription peuvent être considérables pour le justiciable.

La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 modifie en profondeur les règles inhérentes à la prescription civile.
Cette réforme appelle donc une attention particulière.
L’essentiel des modifications concerne la prescription extinctive. Les modifications « marginales » de la prescription acquisitive ne seront pas abordées.

I/ Réforme de la durée de la prescription

A/ Délai de prescription de droit commun
Le délai de prescription de droit commun est désormais le délai quinquennal et non plus le délai trentenaire (nouvel article 2224 du Code civil).

Ce délai a pour point de départ le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

B/ Délai spéciaux
La loi a notamment apporté les modifications suivantes.
Certains délais de prescription spéciaux ont été portés à 5 ans et notamment :
  • les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants à défaut de disposition spéciale prévoyant un délai plus court : le délai de prescription était auparavant de dix ans (l'article L. 110-4 du code de commerce est ainsi modifié) ;
  • la prescription des actions en responsabilité dirigées contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice (article 2225 nouveau du code civil) ;
  • la prescription des demandes de taxes et des actions en restitution de frais dus aux notaires, avoués et huissiers, pour les actes de leur ministère (modification de l'article 2 de la loi du 24 décembre 1897) ;
  • la prescription des actions en responsabilité civile engagée à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques (article L. 321-17 du code de commerce modifié) ;
  • la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre un expert pour des faits se rapportant à l'exercice de ses fonctions (abrogation de l'article 6-3 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971) ;
  • l'action en réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination (un nouvel article L. 1134-5 est inséré dans le code du travail).
Un délai de dix ans est prévu :
  • en cas de dommage corporel : ce délai est porté à vingt ans pour les actions en réparation des préjudices causés par des actes de barbarie, des actes de tortures ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur (article 2226 nouveau du code civil) ;
  • en droit de la construction (articles. 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil) ;
  • en faveur du titulaire d'un titre exécutoire.
Le délai est de 30 ans :
  • pour les actions en nullité de mariage pour des causes objectives (article 184 du code civil modifié) ;
  • en cas de mariage non célébré publiquement (article 191 du code civil modifié) ;
  • pour les dommages causés à l'environnement (un nouvel article L. 152-1 est introduit dans le code de l'environnement).

C/ Le délai butoir

L’article 2232 du code de civil prévoit que: « le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit ».
Le principe du délai butoir de 20 ans est néanmoins écarté dans une série d’hypothèses et notamment en cas de dommage corporel, d'action en justice.


II/ Evénements modifiant le cours du délai de prescription

A/ Suspension
La règle de droit romain « contra non valentem agere non currit praescriptio » est consacrée par l'article 2234 du code civil: «la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure».

L'article 2239 nouveau du code civil dispose que « la prescription est également suspendue lorsque le Juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès »

Dans ce dernier cas, la durée de la suspension est prévue par l’alinéa 2 aux termes duquel « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée »

La prescription est également suspendue en cas de conciliation ou de médiation, le délai recommençant à courir à compter de la date à laquelle ces procédures sont terminées, sans que la durée puisse être inférieure à six mois (article 2238 nouveau du code civil).

B/ Interruption
Le nouvel article 2241 du code civil dispose que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ».

L'article 2242 nouveau du Code Civil dispose que « L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l’extinction de l'instance ».

Aux termes du nouvel article 2243 du Code Civil : « L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée. »


III/ Aménagements conventionnels de la durée de la prescription

L'article 2254 nouveau du code civil autorise les aménagements suivants :
  • « La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans » ;
  • « Les parties peuvent également, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi ».

Ces possibilités sont exclues dans une série de cas visés par l’article 2254 nouveau du code civil (notamment pour les actions en paiement ou en répétition de salaires, le droit de la consommation, le droit des assurances).

Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation, laquelle doit être expresse ou tacite (articles 2250 et 2251 nouveaux du Code civil).


IV/ Entrée en vigueur de la réforme

L’article 2222 du Code civil dispose qu’en cas de allongement de la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion:

  • la loi nouvelle est « sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise » ;
  • la loi nouvelle « s'applique lorsque le délai de prescription où le délai de forclusion n'étaient pas expirés à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ».

Lorsque la loi réduit la durée de la prescription ou du délai de forclusion, « ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».

Lorsqu'une instance a été introduite avant le 19 juin 2008, l'action est cependant poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.

Yann GALLONE - Avocat

Texte intégral disponible sur le site http://www.legifrance.gouv.fr/

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2 commentaires:

CASIMIR a dit…

ce billet est très interessant, mais qu'en est-il de la prescription liée au respect de la vie privée, en relation avec le droit à 'image ARTICLE 9 du code civil, la PRESCRIPTION PASSE-t-elle aussi de de 30ans à 5 ANS

MERCI DE VOTRE REPONSE

CASIMIR

BELLECOUR CONSEILS AVOCATS - 17 place Bellecour - 69288 cédex 02 LYON - FRANCE a dit…

Les atteintes au respect dû à la vie privée sont soumises au délai de prescription de droit commun.

Le délai de presciption est désormais de cinq ans.